Stress, écrans, boulot… Pourquoi nos jeunes dorment mal
REPORTAGE-Confrontés à une multitude de choix, à des obligations personnelles et professionnelles, et à un environnement souvent peu favorable au repos, les jeunes Français dorment de moins en moins. Et de plus en plus mal. Morgane, Pol, Henri et Florian nous racontent leur quotidien et les solutions qu’ils trouvent.
La durée de notre sommeil continue de se réduire, selon une étude de l’Institut national du sommeil et de la vigilance publiée en mars 2024. Elle démontre que les Français dorment en moyenne 6h42 par nuit. Alors que huit bonnes heures sont recommandées pour les adultes. Morgane, 22 ans, étudiante en agronomie, ne dort pas : « Des fois, j’ai beau me coucher à 23 heures, je ne vais pas dormir avant 6 heures du matin. »
La cause principale pour les 18-24 ans : un délai d’endormissement plus long. Ils mettraient 54 minutes en moyenne à trouver le sommeil, contre 37 minutes pour le reste de la population. L’enquête constate également que 42 % des personnes souffrent d’au moins un trouble du sommeil.
« Je me mets une pression monstre pour mes études »
Plus de la moitié des étudiants de France dorment mal. Selon une étude Heyme/Opinion, 55% déclarent avoir des problèmes de sommeil et 27% disent dormir moins de 6 heures par nuit. Originaire de Bordeaux, Morgane fait partie de ce pourcentage. En première année d’études d’agronomie à l’ENSAIA de Nancy, elle a « déjà fait une première année, mais à cause des problèmes de sommeil, c’était une année blanche », regrette-t-elle.
Morgane a du mal à s’endormir depuis ses 10 ans. Beaucoup de médecins lui ont proposé des traitements, notamment de la mélatonine. Sa psychologue lui a conseillé la sophrologie. Rien n’a fonctionné. Depuis qu’elle est en études, elle enchaîne les insomnies à cause du stress. « Je me mets une pression monstre. Je veux faire ça depuis mes 15 ans, si je rate ça, je rate tout. » La commission handicap lui a même accordé des aménagements car elle n’arrive pas à se réveiller les matins.
Si Morgane n’arrive pas à sortir du lit, Henri a connu le problème inverse. Le sommeil était son « ennemi ». La bedtime procrastination était devenue sa routine. Cette “procrastination du coucher” le maintenait éveillé jusqu’à ce qu’il finisse par tomber de fatigue. Malheureux professionnellement, il avait le sentiment que le travail lui volait sa vie. Le Nancéien de 29 ans avait fait de la nuit son échappatoire. « Le seul moment où je commençais à vivre pour moi, c’était le moment où tout le monde dormait », explique-t-il.
« Je n’avais pas anticipé ce rythme-là »
Tout le monde ? Non. Pas Florian. Intermittent du spectacle depuis 5 ans, il travaille en horaires décalés. Il suit des tournées et installe des scènes de concert. La désinstallation se fait la même nuit, entre minuit et cinq heures du matin. « Je n’avais pas anticipé ce rythme-là, ça dérègle pas mal de choses. Je n’ai plus de normalité. Je n’accepte que le travail que je veux, sinon c’est intenable [de travailler ainsi pendant plusieurs semaines consécutives] », reconnaît-il. D’autant que ses nuits au travail sont courtes. Florian estime dormir entre 5 et 6 heures. Mais parfois, son temps de sommeil tombe à 2 heures. Une grosse sieste loin d’être réparatrice avant de ré-enchaîner avec une longue journée.
Pour Pol, qui prépare l’agrégation, les siestes c’est niet. Lors des concours blancs en janvier, il a enchaîné six épreuves en cinq jours. L’épreuve la plus courte a duré 3 heures, et la plus longue 7 heures. « Forcément, c’est stressant. » Mais Pol a su trouver comment gérer son stress : « J’écoute beaucoup d’ASMR pour m’endormir. Ça m’aide à me détendre. » Quand Pol a des gros coups de stress, les exercices de sophrologie l’aident à se concentrer sur sa respiration. Ce qui marche le plus pour lui, c’est d’aller au lit à 21 heures, et de couper le téléphone à 22 heures.
Ce soir, Pol tombera dans les bras de Morphée. Morgane, Henri et Florian n’auront peut-être pas cette chance.
Célia Simon et Thibaut Heberlé
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