Quels sont les mécanismes qui rendent accro ? L’exemple des paris sportifs

COMPRENDRE-L’été 2024 s’annonce sportif. Du début de Roland-Garros le 26 mai à la fin des Jeux paralympiques le 8 septembre, les grandes compétitions internationales s’étalent sur plus de trois mois. Selon l’Agence nationale du jeu (ANJ), plus de 13 milliards d’euros ont été générés en France en 2023 par les jeux d’argent. Une période qui va engendrer des millions de paris sportifs. Malgré des risques désormais bien connus, ils attirent toujours autant. Mais pourquoi ?

Qui n’a jamais rêvé de gagner facilement des grosses sommes d’argent ? C’est la vie idyllique mise en avant par les sociétés de paris sportifs. Toutes font miroiter cet idéal. Malgré les risques (endettement, isolement, dépendance) désormais bien identifiés, elles utilisent divers stratagèmes pour passer outre et présenter le pari sportif comme une activité sans risques.

• Le matraquage publicitaire

C’est le reproche principal qui est fait aux sociétés de paris sportifs : l’omniprésence des leurs spots publicitaires. Et l’été qui s’annonce risque d’être particulièrement saturé d’annonces pour Winamax, Unibet et autres Parions Sport. L’objectif est simple : ancrer ces marques dans le quotidien et banaliser le pari sportif. Tout au long de l’année, elles sont également présentes comme sponsors sur des maillots. Ces partenariats, ainsi que leurs activités sur les réseaux sociaux, créent une présence continue.

• Les stratégies commerciales agressives

Les sociétés de paris sportifs savent se montrer entreprenantes pour faire venir de nouveaux utilisateurs, ou relancer ceux qui sont actifs. Leurs rituels sont bien rôdés : concours sur leurs réseaux sociaux, envois de freebets (des bons gratuits de 5 ou 10€ directement crédités sur les comptes des joueurs), mises en ligne régulières de cotes boostées incitatives. Le slogan « Grosses cotes, gros gains, gros respect » de Winamax illustre parfaitement ces stratégies agressives et la promesse d’argent facile.

• La reprise de codes culturels

Vous vous souvenez sans doute de la pub “Tout pour la daronne” de Winamax. Diffusée pour la première fois lors de l’Euro de foot 2021, elle avait fait scandale et avait fini par être retirée en mars 2022. En cause : la réutilisation de codes urbains et la propagation de clichés sur les banlieues. Dans une autre campagne (voir ci-dessus), la marque reprenait « l’aspect visuel des jeux vidéos », selon Anaïs Gilson, ex-chargée de communication. Ici, les affiches font penser à Grand Theft Auto (GTA) et Assassin’s Creed. « Le terme de “confrérie” est une référence à Assassin’s Creed », estime cette diplômée en communication numérique et multimédia.

• L’aspect communautaire

Le temps où on pariait seul est révolu. En tout cas, ce n’est plus l’image du parieur qui est mise en avant par les publicités. « Les joueurs ne sont jamais chez eux. Ils sont toujours dehors en groupe comme si parier était une sortie anodine entre potes comme un resto », analyse Anaïs Gilson, ex-chargée de communication en Lozère. Elle cite un exemple pleinement assumé : « Parions Sport met en avant la convivialité, un peu dans l’esprit des campagnes de pub d’UberEats. » En 2021, la société qui dépend de la FDJ avait choisi  « Le pari est plus fort quand on le vit ensemble » comme slogan. Sur les réseaux sociaux, Winamax publie régulièrement des posts chambreurs, envers des clubs ou des joueurs précis. Cela peut aussi être un moyen de se fondre au sein de plusieurs communautés de supporters et renforcer les liens avec celles-ci.

• L’utilisation de l’image de stars 

Imiter ses idoles, ça nous parle. Et ça parle surtout aux plus jeunes. Alors Unibet est devenu partenaire du PSG en 2018. « Ils se sont servis de l’influence et de la notoriété d’Mbappé et du club parisien pour attirer les jeunes », estime Anaïs Gilson. Leur collaboration a cessé en 2022. C’est Parions Sport qui a repris le rôle de partenaire officiel Le départ de l’attaquant français de la capitale aura-t-il une influence sur la popularité de Parions Sport ? Nul doute que la structure saura trouver d’autres leviers pour préserver sa base de parieurs.

• La minimisation des risques

Depuis le 29 juillet 2022, une mention unique est obligatoire pour les jeux d’argent : « Les jeux d’argent et de hasard peuvent être dangereux : pertes d’argent, conflits familiaux, addiction… Retrouvez nos conseils sur joueurs-info-service.fr (09 74 75 13 13 – appel non surtaxé). » Mais la bande noire où elle est inscrite est noyée dans le flot des promesses de gros gains, d’adrénaline et des couleurs vives. « L’usage de couleurs tape-à-l’œil n’est pas anodin. Elles représentent quelque chose de chaleureux et positif, par opposition aux couleurs sombres et tristes », conclut Anaïs Gilson. 

Pour parier sans risques, de plus en plus d’alternatives existent. Le site de fantasy football MonPetitGazon a lancé « Mon Petit Prono » en 2018. Si des cotes sont présentes, elles correspondent à des points. Aucun argent n’est en jeu. Tout ce qui est à gagner, c’est la fierté de remporter sa ligue !

Thibaut Heberlé