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Les grands addicts aux jeux de la littérature

Photo Pixabay

Les grands addicts aux jeux de la littérature

CRITIQUE-Plaisir coupable, obsession malsaine, frénésie compulsive…Le thème de l’addiction fascine,  et le monde de la littérature pullule des histoires intrigantes de ces grands addicts. Z’est vous présente trois grandes figures de la littérature addicts aux jeux. Qu’ils soient esclaves de leur passion, en lutte constante contre elle, ou qu’ils choisissent de s’y abandonner.

  • Alexeï Ivanovitch (Le Joueur, Fédor Dostoïevski)

Le Nouvel Obs publie en janvier 2024 l’interview d’un homme qui déclare avoir arrêté les paris sportifs après avoir lu le Joueur de Dostoïevski. L’occasion de revenir sur ce classique qui a marqué la littérature russe du XXe siècle. 

Je vous la fais courte. Imaginez un jeune homme fauché avec un talent pour les jeux d’argents qui tombe éperdument amoureux d’une femme complètement vénale. C’est à une centaine de pages près l’histoire du roman phare de Dostoïevski. Phare surtout car c’est l’un de ces plus courts et rares sont les courageux qui ont envie de se taper les 704 pages de Crimes et Châtiments. 

Revenons à nos cartes. 

Alexeï Ivanovitch, arrive pour devenir professeur dans une famille fauchée dont tous les membres attendent désespérément que la tante (la baboulinka) meure pour récupérer son héritage. Il y tombe amoureux de Paulina Alexandrovna, sauf que celle-ci ne lui donne pas l’heure.

Pour gagner ses faveurs, il va se mettre à jouer au casino et gagne à plusieurs reprises. Malgré l’argent, Paulina le repousse quand même. Il finit par partir en France avec une autre femme, Mademoiselle Blanche, et il tombe complètement addict au jeu.

Dostoievski nous raconte ici l’histoire de sa propre addiction au jeu et à une femme de sa vie (elle aussi prénommée Paulina). Le petit plus de ce court roman c’est que l’addiction n’est pas simplement évoquée dans le personnage de Alexei mais tous y sont plus ou moins confrontés (la Baboulinka, Mademoiselle Blanche…). L’auteur évoque les dangers de ce mal général, partie prenante de la société russe de l’époque.

  • Monsieur B (Le Joueur d’échecs, Stefan Zweig)

Dans la nouvelle de Stefan Zweig, Mirko Czentovic est le plus grand champion d’échecs du monde. Pourtant Le Joueur d’échecs ce n’est pas lui. 

L’histoire se passe sur un bateau en direction de l’Argentine. Le narrateur, un passionné de psychologie, apprend que Mirko est à bord avec lui et se met en tête de tenter de cerner ce personnage intriguant. Pourtant, le plus grand mystère auquel il sera confronté pendant le voyage, sera un autre membre de l’équipage, l’inconnu M.B. 

M.B va lui raconter l’histoire tragique de sa captivité par l’Allemagne nazie. Détenteur d’informations importantes pour la Gestapo, il reste plusieurs mois avec pour seule compagnie l’obscurité de sa prison. Jusqu’au jour où, dans l’attente d’un interrogatoire, il tombe au hasard sur un livre d’échecs qui va déclencher en lui la passion de sa vie.

N’ayant rien d’autre à faire (manifestement), il apprend le livre par cœur et joue les coups dans sa tête. Il s’imagine un plateau d’échecs sur le plafond de sa cellule et joue jusqu’à en faire une obsession compulsive. 

L’histoire explore les mécanismes de son addiction. Si au départ, son nouveau hobby lui permet de mieux supporter ses interrogatoires musclés, après avoir fini de jouer les 150 parties du livre, il a besoin de plus. Il se met à jouer contre lui-même, jusqu’à entrer dans une sorte de schizophrénie. Pour savoir comment l’histoire se finit pour lui, je vous invite à lire la petite nouvelle de 60 pages…

Stefan Zweig a lui aussi écrit la nouvelle en s’inspirant de sa propre vie, lorsqu’il était à Rio et comblait la solitude et le vide de ses journées par le jeu d’échecs. 

  • La marquise de Merteuil (Les liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos )

Notre troisième addiction est un peu moins conventionnelle que les deux autres mais n’en est pas moins dangereuse. L’addiction aux jeux de séduction. 

Icône féministe avant l’heure pour certains, libertine dévergondée pour d’autres, la marquise Isabelle de Merteuil ne laissera personne indifférent. 

Le roman épistolaire de Choderlos de Laclos suit les aventures d’un duo maléfique, composé de la marquise elle-même et du Vicomte de Valmont, deux anomalies libertines perdues dans l’austérité du siècle des Lumières.

Les deux nobles se mettent en tête de faire un concours pour essayer de dépraver deux jeunes filles naïves, Cécile de Volange et la présidente de Tourvel. Mme de Merteuil doit pousser Cécile à se compromettre avant l’heure pour assouvir une vengeance personnelle, et le vicomte voit comme un défi le fait de séduire la pieuse Mme de Tourvel.

Le duo navigue entre les faux semblants qu’exigent la décence et leurs propres penchants narcissiques pour assouvir une passion commune : la manipulation et les jeux d’amours. Passion qui finira par conduire madame de Merteuil à sa perte…

Ici pas d’histoire vraie mais petit bonus : c’est écrit sous forme de lettres donc ça se lit vite, et la marquise de Merteuil est une super star, pleine de verve et intéressante : un vrai génie du mal.

Carol Burel

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