Rap et argent : la misère est-elle vraiment si belle ?
BILLET D’HUMEUR-Les billets, le wari, les doros, la moula, les pépettes… Les rappeurs s’échinent à trouver les synonymes les plus créatifs pour désigner l’argent, valeur ultime, qui fait partie intégrante de la culture. On se vante de savoir accumuler les billets, tout le monde est blindé, les marques de luxe deviennent des titres de chansons et Booba se pose même la question sur “Kalash” : “Qu’est ce que je vais faire de tout cette oseille ?”
Si on peut comprendre l’interrogation légitime d’un rappeur qui pèse aujourd’hui des dizaines de millions d’euros, ça n’a pas toujours été le cas pour Elie Yaffa, son vrai nom, né à Sèvres d’une maman femme de ménage et d’un père absent. Sauf que la misère, ça ne fait pas vendre. Alors il martèle : “L’argent ne fait pas le bonheur, mais le bonheur remplit pas l’assiette.”
Dans le rap, dès qu’on parle de chiffre d’affaires, le micro se coupe. Un silence gêné qui contraste avec les grosses cylindrés, souvent louées juste pour les clips, pour faire les nouveaux riches. Car “y’a pas d’autant d’argent dans le rap”, reconnaît Kery James en interview pour Booska-P : “À en écouter certains, on dirait qu’ils sont dans le pétrole.”
L’argent fonde la street cred. L’argent c’est le pouvoir. Pourtant, il y a autant de millionnaires dans le monde du rap que de femmes dans le BTP. Pourtant, les riches, on les déteste. On ne veut pas de rap de gosse de riche et on crache à volonté sur la gentrification du hip hop au détriment de sa souche originelle, une revendication d’en bas, des quartiers pauvres, de la banlieue. Les liasses doivent s’entasser mais à une condition : il ne faut pas être né avec une cuillère d’argent dans la bouche.
L’oseille dans le rap est aussi décriée que plébiscitée, dans une sorte d’ambiguïté difficile à saisir pour les néophytes.
Si les rappeurs prennent le contrepied du tabou social autour de l’argent, en s’égosillant sur leurs fortune, ce qu’ils gagnent réellement n’en est pas moins un secret. Et bien gardé. Niska le disait clairement: “J’remplis mon argent dans le plus grand des silences.”
Si l’image du “self made man” est aussi exaltée dans le rap, c’est parce les américains et leur succès servent de modèles. Mais là-bas, “Fifty cent” n’est qu’un pseudonyme, et en France, on ne joue pas dans la même cour que des rappeurs milliardaires depuis 2007.
Carol Burel
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